mercredi 4 février 2009

Du travail à l’usine de poisson

Depuis hier nous sommes à nouveau en vacances. Fini le travail à Huon Valley Seafoods après un mois de dur labeur !

Allez on vous fait un gros résumé de ce qui s’est passé en un mois.

Huon Valley Seafoods est une usine qui s’occupe des saumons d’élevage (élevage quelques km au Sud). La nuit, l’usine prépare des saumons entiers et les envoie à travers le monde, le jour des gentils employés découpent les saumons en jolis filets. Plusieurs dizaines de tonnes de saumons sont ainsi traitées chaque jour.



Nous on a travaillé de nuit, début du boulot à 2h du matin et fin lorsque toutes les commandes sont honorées…on ne sait jamais à l’avance, ça peut être à 10h du matin comme à 16h. Mais toutes les heures supp’ sont payées. Comme en SSII !

Comme on est dans une usine, on travaille à la chaîne. Nous étions donc séparés, chacun dans sa petite chaîne. On va vous raconter chacun notre boulot ô combien passionnant. Tous les matins, un certain nombre de poisson fraîchement pêché arrive. Ils sont tout d’abord ouverts et vidés puis ils sont mis dans des sacs plastiques, dans des caisses. Entre 3 et 6 saumons par caisse, pour des caisses entre 18 et 22 kilo.

Etant donné l’activité de l’usine nous avions à porter une tenue spécifique : bonnet, blouse, tablier, bottes, gants en coton et gants en plastique si besoin et pour les barbus il y avait un « bonnet de barbe ». Il faut préciser que nous devions jeter et changer notre tenus (hors mis les bottes) à chaque pose (toutes les 2h).

Le travail n°1 de C.

J’intégrais une équipe de 6 à 7 personnes (2 hommes, 3 coréennes plutôt farouches mais gentilles, la française avec qui nous avons fait le réveillon de noël et moi) sur la « packing line ». Ma dure tache consistait à fermer les caisses après que les saumons aient été disposés dedans. Il s’agit tout d’abord de mettre de la glace dans le sac avec les poissons (ceci était généralement fait par un homme). Il faut ensuite fermer le sac plastique à l’aide d’une plastifieuse (toujours en panne, du coup on fermait le sac à l’aide de scotch). Enfin il suffit de disposer le couvercle de la caisse et le scotcher. Mais attention, en fonction de la destination de la caisse (Export ou non), les techniques de fermeture du sachet et les règles de scotchage étaient différentes.

Le travail n°2 de C.

Après 2 semaines de robotisation j’ai intégré à mi temps une nouvelle équipe de 3 personnes (3 australiennes très sympathiques), celle qui mettait les poissons dans les caisses. Les poissons sont répartis automatiquement dans les caisses en fonction de leur poids, nous étions alerté dès qu’une caisse était remplie, nous devions alors y coller une étiquette, vérifier le nombre de poisson dans la caisse (ajuster si besoin), mettre les poissons dans un ordre défini, envoyer la caisse sur un tapis roulant et préparer une caisse vide pour que la machine puisse la remplir à nouveau. Il arrivait souvent que les poissons tombent par terre, nous devions alors les ramasser et les rincer (très rapidement) avant de les remettre dans les caisses.

Il arrivait qu’un poisson en (très) mauvais état (tête arrachée, yeux difformes, etc.) nous arrive par erreur, nous devions alors le réorienté pour qu’il soit coupé et vendu en filet.

Ce changement de poste m’a permis de briser la monotonie de ce travail et m’a surtout fait rencontrer des australiennes adorables. Il faut avouer que sur la « packing line » ça ne rigolait pas beaucoup, les coréennes ne sont pas très souriantes.

Le travail de R.

J’étais à la « Despatch Line ». Lorsque l’équipe « packing line » nous transmet une caisse, il faut tout d’abord rajouter du scotch pour que la boite soit véritablement fermée. Comme en « packing line », on utilise un outil très sophistiqué pour scotcher, de la haute technologie, n’imaginez pas que l’on avait un rouleau de scotch et des ciseaux…Au final, un vrai travail de sagouin, étant donné que très souvent la boîte est trop petite pour les saumons, alors on met du scotch dans tous les sens pour donner l’illusion que la boîte est fermée. Le mec suivant passe la caisse à la strapping machine, ça ajoute deux « sangles » en plastiques autour de la boite. Et enfin la partie merveilleuse de la « despatch line », le bout de la chaîne, il faut mettre la caisse sur la bonne palette, une palette par commande. Et c’est là que ce travail devient magique…évidemment il y a plusieurs commandes traitées simultanément, donc plusieurs palettes disposées dans l’entrepôt et pas forcément juste à côté de la chaîne. Donc tu te trimballes à longueur de journée avec des caisses de 20-30kg sur les bras à zigzaguer entre les palettes. Autant au scotch et au strapping les australiens viennent nous aider, mais pour porter les caisses il y a plus que les étrangers. Quand une palette est pleine, il faut la sortir de l’atelier grâce à un chariot et l’enrouler de plastique avant qu’elle soit chargée dans un gros camion.

L’équipe de R.

L’équipe est composée de saisonniers aucun salarié permanent ne veut intégrer la « despatch line ». Et comme c’est un boulot assez dur physiquement, ils ont eu l’idée de nous coller deux vieux australiens qui a eux deux dépassent le siècle à l’aise. Comme ça les places tranquilles au scotch et au strapping sont tous le temps occupées. Restent les deux coréens Tommy et Su Gi ainsi que Ludo un français (celui de Bruny Island pour ceux qui suivent). Donc pour porter des caisses pendant parfois 14h, il n’y avait que des français et des coréens mais pourquoi donc ?

Les embrouilles de R.

Il arrivait (plusieurs fois par jour) que la strapping machine tombe en panne, il fallait alors sortir les caisses de la chaîne, créant un bordel monstre chez nous. Des gros glandus de jeunes australiens voyaient qu’on était débordé mais ne levaient pas le petit doigt, enfin si, des fois ils venaient nous aider au scotch, trop sympa les gars…C’est là que nous avons découvert la mentalité des jeunes tasmaniens, on a pas été déçu. Au bout de deux semaines, j’ai eu la bonne idée de leur faire remarquer avec tact que c’était des gros branleurs (tout le monde sait qu’ils foutent rien, on a eu confirmation, mais personne ne fait rien), et hop deux tasmaniens à dos avec une jolie insulte en prime. A propos d’insulte, je les ai collectionnées, j’ai eu droit à un joli enchaînement de « shut up, fuck you » dès le petit matin, comme ça sans réelle raison de la part de notre super coréen Tommy…Ah magique.

Autant dire que l’ambiance était au beau fixe, Ludo s’étant embrouillé avec Su Gi. La dernière semaine, j’ai été muté dans la « packing line » de C. Plus de caisses à porter, le bonheur ! Et pour mon dernier jour au petit matin, ils m’ont mis à l’ouverture et vidage des poissons. Certains poissons ne sont pas « standards » et ne passent pas dans la machine à vider le poisson, du coup ils sont vidés manuellement. Hmmm merci le cadeau, j’ai failli remplir le poisson avec mon petit déj. J’ai fait une heure et j’ai fui au grand désespoir de la responsable, mais hé c’était le dernier jour…

Les bons souvenirs de R.

Heureusement que j’avais Su Gi, avec qui j’ai bien sympathisé. Je peux maintenant insulter n’importe quel coréen dans sa propre langue, peut être que ça me servira un jour... Lui aussi a appris les classiques « putain » « trou du cul » et « caca ». C’est ça le voyage, un échange culturel…Faut bien se détendre entre deux caisses à porter. Et puis il y avait Ludo le français of course, parler français de temps en temps est agréable.

Les records d’heure et de fric

Je crois que jamais nous n’avons travaillé autant et gagné autant d’argent en si peu de temps. Un peu plus de 4000$ chacun en un mois (soit 2000€). Ça paye le travail de nuit avec certaines heures à 10€ net de l’heure, idem pour les heures du dimanche. Et oui certaines semaines, on travaillait 7j/7 si voulu. C’est comme ça que l’on a fait une semaine de 72h en travaillant samedi et dimanche. Surtout que l’on a du coup enchaîné 9 jours de boulot d’affilée. Mais ça nous convenait à merveille, vu que l’objectif était de se faire beaucoup d’argent en peu de temps, mission accomplie ! Heureux d’avoir fini, l’ambiance devenait pesante et les articulations de nos mains s’en souviennent encore. Ah le majeur qui se déboîte en pleine nuit hmmm.

La semaine type de boulot

Nous sommes devenus des « no life » en très peu de jour. Quand on se lève à 1h du matin et que l’on finit le travail entre 14h-16h et que l’on doit se coucher vers 17h, le temps nous est compté ! Se doucher, faire les courses, faire à manger (surtout dans un VAN c’est lent) étaient nos seuls loisirs. Heureusement qu’il y avait quelques petits bouiboui aux alentours.

Nôtre hôtel

Nous avons dormi pendant un mois sur l’aire de camping à 100m du boulot. Super panorama Et pas cher quand on sait garer le VAN un peu derrière pour ne pas être visible par le mec qui vient faire payer chaque soir. On ne va quand même pas payer pour une aire de camping qui ne fournit ni douches, ni cuisine…Mais qu’est ce que c’était beau.



On y a très bien dormi. Dormir le jour n’a pas posé problème, l’été tasmanien n’est pas spécialement chaud. 20° comme pic de température les deux premières semaines puis deux ou trois incursions vers les 30° (températures exceptionnelles pour le sud de la Tasmanie). Et sur la fin, nous avons dormi sur le parking du boulot, garé juste à côté de la bagnole du manager de l’usine.

Vivre à l’usine

En tout cas, je pense que notre façon de vivre aura marqué les esprits…En plus de dormir juste à côté du boulot sur une aire de repos, après le travail nous prenions notre douche à l’usine et nous mangions dans la salle de repos et parfois rechargions le PC.

Les australiens sont prudes, ainsi après s’être embrassé une fois dans la salle de repos, toute l’usine a été mise au courant en moins de deux heures que nous étions pervers !

En plus de squatter l’usine, nous avons réussi à récupérer une truite saumonée de 2-3 kg (oui, ils font aussi des truites) pas chère, gratuite. De temps en temps ils proposent aux salariés d’emporter un poisson et cette fois c’était pour nous. Nous nous sommes amusés à la couper, mais heureusement elle était vidée.



Grâce à la gastronomie australienne principalement fondée sur les grillades, des barbecues sont en libre disposition sur chaque aire de repos quasiment. Nous nous en sommes servis pour notre truite, le résultat était fameux.

Les tasmaniens et leur accent à deux balles

Une des grandes difficultés dans cette usine était la communication. Déjà parce que l’usine est très bruyante, tout le monde met des boules quiès ou un casque, mais surtout à cause du magnifique accent des tasmaniens. Alors que nous pensions avoir fait des progrès puisque partout dans les villes nous arrivons à comprendre et à se faire comprendre sans trop de difficultés, ici c’était un dialogue de sourds. Nous ne comprenions que la moitié des tasmaniens de l’usine, pour ce qui est des autres, c’était impossible de décrypter leur messages sans qu’ils le miment (manque de chance, il s’agissait de nos manageurs). Et en plus de ne pas les comprendre, ils ne nous comprenaient pas non plus ! Parfois un interprète était indispensable.

La jeunesse Tasmanienne

Y’a des cons au boulot mais aussi en dehors. On a croisé trois charmants poivrots à notre aire de repos. Le premier (papa du plus jeune) semblait avoir pitié des deux autres, l’autre (36 ans, l’oncle) était fier de nous annoncer qu’il était bourré depuis 3 jours, et fiston (21 ans) nous a montré un tatouage au stylo d’une croix gammée. Petit moment d’hésitation, « qu’est ce que je fous là ??? », mais en faites c’était juste pour de rire qu’il avait dessiné cela. D’ailleurs il ne savait pas si la croix gammée avait un rapport avec Saddam Hussein ou Hitler. Quand on est con…

La fête de Paul

Paul c’est un français qui a quitté l’usine un jour après nous. Les gens de l’usine ont organisé pour son départ une petite fête. On y a fait un petit tour histoire de voir les quelques gens sympas. On a pu dire au revoir à nos petits chouchou, apprendre le nom de certains de nos collègues et être rassuré quand un anglais nous avouait ne pas comprendre tous les australiens. C’était peut être ça le plus important d’ailleurs.

Et voilà fin de l’expérience boulot à l’étranger, on s’est d’ailleurs senti parfois un peu trop étranger avec certaines personnes… Je te comprends maintenant Maurick ! Mais malgré tout on aura rencontré des personnes sympa, confirmé que le boulot à l’usine c’est chiant à la longue. Maintenant on se casse, on repart à l’aventure !


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